NOUVELLE LOI BANCAIRE (PROJET DE LOI) :
PAS DE SCISSION DEFINITIVE MAIS MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES DE LA LOI DU 22 MARS 1993
1. INTRODUCTION
Suit à la crise des subprimes, l'activité de banque fut repensée ayant notamment pour conséquences, de tentatives timides de régulation dues aux soucis des législateurs américains et européens de ne plus vouloir revivre l'horreur d'une telle récession économique.
Ainsi, au niveau européen, les directives 2006/48/CE et 2006/49/ CE ont été grandement modifiées par la directive 2013/36/UE et le règlement n° 575/2013 sans toutefois pouvoir parler de refonte totale du système bancaire.
Ces derniers instruments ont vu le jour suite aux accords de Bale III du 16 décembre 2010, qui visent à renforcer la solidité financière des banques et à améliorer le management de ces dernières.
Les problèmes mis en exergue par la crise ont trait à la capitalisation des banques et aux problèmes ponctuels de liquidité que celles-ci peuvent connaitre.
On se souviendra tous que durant la crise des subprimes, les évaluations mathématiques ont fait fi du risque opérationnel dit "le risque d'erreur humaine" en effectuant des calculs stochastiques et différentiels sur base de données complètement farfelues. Suite à cela, le monde bancaire s'est aussi interrogé sur le rôle des agences de notation dont les notations étaient contradictoires. Celles-ci ne prenaient pas en compte le risque de liquidité dans leurs évaluations.
L'objectif des directive 2013/36/UE et règlement n° 575/2013 est de remédier aux lacunes du système bancaire en adoptant plusieurs mesures censées prévenir de multiples défaillances telles que le trading pour compte propre ou la banque mixte.
2. LEGISLATION BELGE
Suite à l'adoption de la directive 2013/36/UE et au réglèment n° 575/2013, le législateur belge a décider de réformer la réglementation bancaire.
En conséquence, un projet de loi fut déposé à la Chambre en date du 26 février 2014 qui devrait être adopté fin mai 2014. Celui-ci a pour ambition d'assainir le marché bancaire belge et de protéger l'épargne des dépôsants (voir article 380 prévoyant un système de cotisation pour les banques en vue de garantir les déposants).
Les déposants dont les dépôts ne sont pas protégés (ceux supérieurs à 100.000 €) disposent dorénavant d'un privilège sur la généralité des meubles de la banque.
Quelles sont les nouveautés ?
1. TRADING POUR COMPTE PROPRE
A. Principe
Dorénavant, le Trading pour compte propre est défendu (Art. 119 du projet), que ce soit par l'intermédiaire de leurs filiales belges étrangères, d'organismes de placement collectifs ou encore véhicules d'investissements (SPV) sans sûretés (collateral). L'influence de la "Volcker Rule" se fait fortement ressentir (IV. Final Rule - Subpart B - section 3, page 27 sur les 963 de la Volcker Rule relatif à l'interdiction du trading pour compte propre).
Cependant, l'interdiction n'est pas totale, dans la mesure où des exemptions (voir point B ci-dessous) existent, lorsque la solidité et la gestion des liquidités le requièrent.
En tout état de cause, les limites relatives au trading pour comptes clients sont applicables au trading pour compte propre. La totalité des activités de trading, toutes natures confondues, ne pourront sous aucun prétexte dépasser les 15% du bilan de la banque, sauf si cette dernière procède à une recapitalisation.
B. Exceptions
Voici les exceptions prévues par l'article 121 à lire en combinaison avec l'article 123 du projet :
1) La fourniture aux clients de services d’investissement et services auxiliaires, tels que définis à l’article 46, 1°, 1., 2. Et 4. À 8., et 2°, de la loi du 6 avril 1995, visant à répondre aux besoins de financement, de couverture ou d’investissementdes clients ;
2) Les activités de tenue de marché (market making) consistant en la présence régulière et continue, sur un marché réglementé ou dans un système multilatéral de négociation (MTF) dont il est membre, d’un intervenant qui offre des prix d’achat et de vente fermes pour des instruments financiers, assortis d’un engagement de sa part de se porter contrepartie à ces prix sur des quantités minimales, aux fins d’apporter de la liquidité au marché concerné, pour autant que cet intervenant soit certifié en tant que teneur de marché par l’entreprise de marché ou l’entreprise d’investissement qui exploite le marché ou le système multilatéral de négociation en question ;
3) Les activités de couverture des risques propres de l’établissement de crédit ou de ses filiales, en ce compris les risques liés aux activités visées aux 1), 2), 4) et 5);
4) La gestion saine et prudente des liquidités de l’établissement de crédit et de ses filiales ;
5) L’achat et la vente d’instruments financiers acquis dans l’intention de les conserver durablement.
Outre cela, certaines conditions sont requises afin de voir les exemptions mentionnées ci-dessus prendre effet :
- Elles doivent s’effectuer à l’intérieur des limites de risque et dans le respect des mesures d’encadrement fixées en application de l’article 122 du projet ;
- Concernant les opérations effectuées dans le cadre des activités visées au point 1) à 3) (voir ci-dessus), la banque (de crédit) doit démontrer qu’elles sont nécessaires afin de remplir son rôle d’intermédiaire auprès de ses clients ;
- Concernant les opérations effectuées dans le cadre des activités visées au point 4) et 5) (voir ci-dessus), la banque doit démontrer qu’elles sont nécessaires en vue d’une gestion saine et prudente des liquidités ou investissements en question.
Ces limites peuvent être dépassées pour autant que les fonds investis par la banque se situent entre 0 et 2,5 % de la totalité de ses fonds propres (Art. 123 du projet). Cette fourchette n'est pas définitive et pourra bien entendu être revue (par arrêté royal devant être confirmé dans les 12 mois de leur publication au M.B par le législateur) en fonction du contexte économico-bancaire.
Sans respect de cette dernière condition, la banque devra créer une société de bourse dont le management sera différent du sien et dont les fonds ne pourront être fournis par elle.
2. LA NOUVELLE STRUCTURE DE GESTION
A. Principe
Au niveau du management de la banque, le projet vise à instaurer quelques mesures afin d'éveiller les différents organes de gestion à l'analyse critique.
Ainsi, le conseil d'administration doit dorénavant porter en son sein, 4 comités spécialisés :
- Un comité d'audit (déjà prévu par la loi de 1993)
- Un comité de rémunération (déjà prévu par la loi de 1993)
- Un comité des risques (nouveauté - Art. 27 du projet)
- Un comité de nomination (nouveauté - Art. 27 du projet)
Ne peuvent siéger dans ces comités, que les membres du conseil d'administration qui ne sont pas en charge d'une fonction exécutive, c'est-à-dire, les membres n'étant pas en charge de la direction de la banque.
De plus, au moins un administrateur indépendant devra siéger dans chacun de ces comités. Par administrateur indépendant, il faut se référer à l'article 526 ter du code des sociétés. Cette obligation était déja d'application pour les comités d'audit et de rémunération dans la législation de 1993, mais le projet vise à l'étendre aux nouveaux comités fraichement crééés.
Un administrateur non exécutif ne pourra au maximum être membre de 2 comités au plus.
Chaque comité devra établir un rapport dans son domaine de compétence afin de le soumettre au conseil d'administration pour que ce dernier puisse adopter des décisions de manière "éclairée".
B. Approbation de la FSMA
Certaines opérations nécessitent l'approbation préalable de la FSMA :
- La nomination des dirigeants et responsables de fonctions de contrôle indépendant
- Les décisions stratégiques (décisions susceptibles d'avoir un impact sur les différentes entités de la banque : Joint-venture, M&A, accords de coopération, etc.)
- Le plan de séparation lorsque la limite des participations détenues en trading pour compte propre est dépassé.
- La mise en oeuvre d'une ou plusieurs mesures contenues dans un plan de redressement destiné à parer une éventuelle crise financière de la banque.
- Le contenu du plan de redressement
3. PLAN DE REDRESSEMENT
L'article 108 du projet prévoir que les établissement de crédit doivent prévoir un plan de redressement qui serait mis à exécution dans le cas où la situation financière de ces banques seraient mises à mal. Ce plan doit concerner tant la banque que ses filiales.
Il doit prévoir des scénario catastrophes pour une ou plusieurs entités de la banque et décrire comment ces problèmes pourraient être résolus sans faire appel aux banques centrales ou à l'Etat belge.
Le plan devra déterminer quels sont les indicateurs qui préviendront un risque financier pour l'établissement de crédit. Si celui-ci est mis en oeuvre, la FSMA devra être alertée.
Il devra être actualisé chaque année ou après chaque modification importante au sein de la structure d'amdinistration ou des activités exercées. la FSMA peut requérir de la banque que son plan soit actualisé plusieurs fois par an. Le plan devra être communiqué à la FSMA.
La FSMA approuvera ce plan ou formulera des modifications/rectifications à apporter au plan. Elle dispose à cette fin de la prérogative d'émettre des injonctions (Art. 116 §2 du projet).
3. ENTRÉE EN VIGEUR
La nouvelle loi n'est applicable qu'aux établissements belges, à leur filiales belges et étrangères et ne sera d'application qu'à partir du 1er janvier 2015.
Elle est également applicables aux filiales belges d'établissements étrangers d'où le risque pour les banques étrangères de transformer leurs filiales belges en succursales afin d'échapper à la présente réglementation.
4. CONCLUSION
Il serait un peu tôt de parler de véritable révolution bancaire mais les prémisses d'une séparation des activités bancaires ont été posées.
De nouvelles mesures ont également été adoptées en vue d'instaurer des mécanismes d'alerte.
Il est à se demander également si la loi sera l'adaptation fidèle du projet. Ce projet a fait l'objet de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat qui fut rendu en date du 27 janvier 2014 et doit être voté pour au plus tard le 25 mai 2014.
La technicité du projet a présenté une complexité telle que leConseil d'Etat n'a pas pu examiner le projet dans sa totalité.
17/05/2014